Jacques-Alain Miller annonce le thème du 14e congrès 2024 dans son discours de clôture des Grandes Assises virtuelles internationales de l’AMP « La femme n’existe pas », prononcé le 3 avril 2022.
Je dédie cette conférence à Angelina Harari qui, en tant que présidente pendant quatre ans, a conduit la vie de l’Association mondiale de psychanalyse (AMP) d’une main parfois rude parfois douce, toujours avec pertinence.
Il me revient de donner le titre des congrès de l’AMP. Pourquoi est-ce ainsi ? L’habitude s’en est prise, elle est devenue une sorte de tradition – danger ! Il n’en sera pas toujours ainsi. Mais il faut croire que ce moment n’est pas encore arrivé. Donc je continue. Notre prochain congrès aura pour titre : Tout le monde est fou.
Contexte
De même que le titre des présentes Assises – La femme n’existe pas –, c’est un aphorisme de Lacan. Je l’ai pêché dans un écrit minuscule, composé par Lacan à ma demande. Il s’agissait alors de défendre le Département de psychanalyse de Vincennes dont l’existence au sein de l’université Paris 8 était menacée. Elle l’est encore d’ailleurs, tous les ans – pour des raisons conjoncturelles, et aussi pour une raison de structure. C’est qu’en vérité, comme l’écrit Lacan, la psychanalyse n’est pas matière d’enseignement. Cela tient à l’opposition, que je dis structurale, entre le discours analytique et le discours universitaire, entre le savoir toujours supposé dans la pratique de la psychanalyse et le savoir exposé qui tient le haut du pavé dans le discours universitaire. Je ne développe pas cette opposition bien connue de nous.
J’ai extrait cet aphorisme de quelques lignes écrites par Lacan dans un temps dont on pourrait dire qu’il est d’outre-tombe, pour autant qu’il se situe après le Séminaire qu’il a intitulé « Le moment de conclure ». Tout ce que Lacan a écrit ou proféré après ce Séminaire jouit d’un statut spécial d’après-coup de l’ensemble accompli de son enseignement – j’emploie ce mot, qu’il employait aussi avant de le repousser. Cela donne à ces propos fragmentaires une valeur testamentaire. Tout le monde est fou, Lacan l’a formulé une seule et unique fois, dans un texte paru dans une revue alors confidentielle, Ornicar ? Du fait que je l’ai épinglé, commenté, répété, cet aphorisme est entré dans notre langue commune, celle de l’AMP, et dans ce qu’on pourrait appeler notre doxa. Il est même devenu une sorte de slogan.
Version établie par Pascale Fari et Ève Miller-Rose avec Romain Aubé et Hervé Damase, ainsi que la
contribution d’Ariane Ducharme, Jean-Claude Encalado, Nathalie Georges & Cécile Wojnarowski. Texte non relu par l’auteur et publié avec son aimable autorisation. Une première édition a été publiée dans la revue La Cause du désir, n°112, novembre 2022, p. 48-57.